À Kissidougou, la ville étouffe sous la chape d’une crise silencieuse mais lourde de conséquences : la flambée du prix du ciment. Dans une localité en pleine mutation urbaine, où les constructions rythmaient la vie quotidienne, les pelleteuses se sont tues et les briques restent empilées, faute de moyens pour continuer.

Depuis quelques semaines, le sac de ciment se vend jusqu’à 130 000 GNF, contre 95 000 GNF il y a peu. Cette hausse soudaine paralyse les chantiers, gèle les ambitions et fragilise un tissu économique déjà précaire.

À Korodou 2, quartier emblématique de l’essor immobilier de Kissidougou, le béton ne coule plus : seules restent des bâtisses inachevées, aux murs nus et silencieux.
Les causes de cette crise sont multiples : difficultés logistiques, flambée des prix du transport depuis Conakry, spéculation à tous les étages… Résultat : une chaîne de construction complètement grippée.

Elhadj Baaba Sacko, figure incontournable de la vente de ciment à Kissidougou, confie son impuissance : « Même nous, vendeurs, nous souffrons. On nous accuse de gonfler les prix, mais la vérité, c’est que nos coûts explosent aussi. Le transport est devenu hors de prix, et nos fournisseurs changent les tarifs chaque semaine. » Face à la pénurie, il est même contraint de rationner : « Je limite la quantité vendue à chaque client, sinon je ne peux satisfaire personne. »

Pour les jeunes entrepreneurs comme Mohamed Cheik Kaba, l’arrêt des travaux est un coup dur : « J’avais tout planifié. Trois mois pour finir ma maison. Aujourd’hui, je suis bloqué, chaque jour d’arrêt me coûte de l’argent. »

Pour d’autres, comme Mme Marie Sia Tolno, le rêve vire au cauchemar. Veuve et mère de quatre enfants, elle a tout misé sur son chantier, désormais abandonné : « J’avais coulé la dalle. Mais acheter dix sacs de ciment, c’est devenu un luxe. J’ai mal, j’ai l’impression que mon avenir s’effondre. »
Le secteur informel, lui aussi, paie un lourd tribut.

Mamady Sylla, artisan balustradier, voit ses commandes s’évaporer : « Plus de ciment, plus de travail. Les clients veulent payer à crédit, mais comment faire si on achète déjà au prix fort ? »
Cette crise du ciment n’est pas qu’une affaire de matériaux : elle met en lumière les fragilités structurelles du secteur du bâtiment, tout en mettant à l’arrêt une dynamique locale. Kissidougou, jadis chantier à ciel ouvert, se fige dans l’attente de solutions.
En attendant une réponse des autorités, les rêves de milliers de familles restent suspendus à un sac de ciment.

Alpha Amadou Barry
Correspondant régional de Gbaikandjamana Média, basé à Faranah
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