LA SUITE APRÈS LA PUBLICITÉ
Dans notre vie publique, un mal nous ronge silencieusement : la diabolisation. Elle est devenue une pratique presque banale, un réflexe dès qu’un acteur politique ou social ose s’affirmer.
De notre premier président, Ahmed Sékou Touré, diabolisé dans ses choix et dans son héritage, jusqu’aux leaders politiques actuels comme Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, Lansana Kouyaté, Kassory Fofana, ou encore les figures de la société civile, rares sont ceux qui n’ont pas été transformés en caricatures diabolisées.
À chaque époque, l’histoire de la Guinée semble s’écrire par les outrages. Le fondateur de la République, malgré son rôle historique dans la souveraineté nationale, a été peint comme un monstre par certains. Ses successeurs (General Lansana, Capitaine Dadis Camara, Général Sékouba Konaté, Conté, Professeur Alpha Condé) chacun à leur manière, ont subi la même mécanique : l’exagération des défauts, l’oubli des contributions, la déformation des faits.
Aujourd’hui encore, nos débats sont pollués par cette logique : diaboliser l’adversaire plutôt que débattre de ses idées.Mais où ce cycle nous mène-t-il ? À l’empoisonnement permanent de notre espace public. Au lieu d’élever le niveau du débat, nous l’abaissons. Au lieu de construire une mémoire collective apaisée, nous multiplions les fractures. Et au lieu de préparer l’avenir, nous nous en lisons dans les rancunes du passé.
Si nous n’y prenons garde, cette diabolisation permanente risque d’étouffer toute possibilité de réconciliation nationale et de progrès collectif. Nous devons rompre ce cycle. Critiquer ne veut pas dire haïr. Contester ne doit pas signifier détruire. Et débattre ne doit pas se confondre aux injures.
Regardons les nations qui ont su tourner la page de leurs divisions : l’Afrique du Sud, par exemple, a évité la guerre civile grâce à la réconciliation. Mandela aurait pu diaboliser ses adversaires, mais il a choisi le pragmatisme et la grandeur. C’est cette hauteur qui a sauvé son pays.
Nous devons apprendre à regarder nos acteurs politiques et publics avec plus d’équilibre : reconnaître leurs erreurs, mais aussi leurs apports. Car l’histoire ne s’écrit pas en noir et blanc. En continuant à diaboliser, nous détruisons la confiance, nous salissons notre mémoire, et nous stérilisons le débat démocratique.Il est temps de changer de regard.
La Guinée ne se construira pas dans la haine, mais plutôt dans une dynamique de pragmatisme et de responsabilité partagée. Rompre avec la diabolisation, c’est ouvrir la voie à un espace public plus sain, plus digne et plus porteur d’avenir.
Une nation, c’est comme une maison : si chacun passe son temps à diaboliser l’autre, c’est le toit entier qui finit par s’effondrer sur tout le monde.

Soninké Diané, Citoyen !