Dans les ateliers de menuiserie de la capitale guinéenne, les anciens outils manuels cèdent progressivement la place à des machines modernes. Une révolution silencieuse qui bouleverse les habitudes des artisans, partageant entre satisfaction professionnelle et inquiétudes pédagogiques.

Avec l’évolution rapide de la technologie, les menuisiers de Conakry saluent les nouvelles machines qui, selon eux, facilitent grandement l’exécution des tâches et améliorent la qualité des prestations. Finis les jours entiers passés à raboter une seule planche ou à scier une tête de lit à la main. Place désormais à la rapidité, à la précision, et surtout, à un rythme de production accéléré.
« Aujourd’hui, nous remercions le Tout-Puissant. Ce métier n’a jamais été facile. Avant, avec les rabots et les scies manuelles, il fallait des semaines pour fabriquer une porte ou un lit, ce qui épuisait physiquement et mentalement les apprentis. Beaucoup abandonnaient, changeaient d’ateliers, voire de métier. Mais grâce à l’arrivée des machines, nous gagnons en temps et en efficacité », confie Mory Sidibé, maître menuisier dans la commune de Matoto.

Sous anonymat, il avoue avoir transformé entièrement son atelier en misant sur la technologie, ce qui lui permet d’attirer plus de clients et de jeunes apprentis désormais motivés par ces outils modernes.

Cependant, tout le monde ne partage pas cet enthousiasme sans réserve. À Dabondi, un autre maître menuisier, Karimé, plus expérimenté, attire l’attention sur les risques de cette dépendance aux machines.
« C’est vrai que ces outils modernes nous aident beaucoup, mais ils nous éloignent des bases fondamentales du métier. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes menuisiers ne savent même plus utiliser un rabot ou découper correctement une planche sans l’aide des machines. Pire encore, dans certains ateliers, sans électricité, aucun travail n’avance », déplore-t-il.

Lui-même dit continuer à former ses apprentis avec les outils manuels afin de préserver les fondamentaux du métier.

Ainsi, entre progrès technologique et perte de savoir-faire traditionnel, la menuiserie guinéenne vit une transition délicate. Si les machines apportent confort, productivité et attrait pour les jeunes, elles risquent aussi de marginaliser des compétences de base essentielles, surtout dans un pays où l’accès constant à l’électricité reste un défi.
Une chose est sûre : entre modernité et tradition, les artisans guinéens doivent désormais trouver le juste équilibre pour assurer la pérennité de leur métier.
Ibrahima Yansané pour www.gbaikandjamana.org