Depuis plusieurs jours, une pénurie de ciment sévit à Conakry et dans plusieurs localités environnantes, paralysant nombre de chantiers de construction.

Cette situation affecte profondément le secteur du BTP guinéen, avec des conséquences économiques majeures.Face à l’inquiétude grandissante, Gbaikandjamana.org est allé à la rencontre d’un acteur clé du secteur, Elhadj Mamadou Bailo Sow, Directeur Général de la Société de Gestion et de Construction Guinéenne (SGCG) et patron de l’usine Syli Ciment.

Dans un entretien exclusif, il brise un silence longtemps entretenu autour des vraies causes de cette crise et propose des pistes de sortie.Selon M. Sow, l’origine de cette crise est principalement liée à une pression accrue sur le marché international du clinker – matière première indispensable à la production de ciment. « La levée de l’embargo sur la Syrie a entraîné une forte demande pour sa reconstruction. Résultat : les usines de clinker d’Algérie, principal fournisseur de la Guinée, sont aujourd’hui saturées. Il y a embouteillage. »
Le directeur de Syli Ciment admet également une part de responsabilité locale. Faute de contrats fermes avec les fournisseurs, certaines usines guinéennes, dont la sienne, ont vu leurs approvisionnements réduits. « Nos partenaires se sont tournés ailleurs. Heureusement, un nouveau bateau est attendu pour le 4 du mois. La production pourrait reprendre entre le 5 et le 10 », rassure-t-il.
Cette tension sur l’approvisionnement a poussé de grandes entreprises, notamment chinoises, à se rabattre sur d’autres usines, amplifiant ainsi la pénurie sur le marché local. « Les cimenteries ont privilégié les projets stratégiques comme celui de Wining ou du port en construction, délaissant les petits consommateurs », explique-t-il.

Mamadou Bailo Sow tire la sonnette d’alarme : « Si l’État n’impose pas l’augmentation des capacités de production et n’encourage pas la construction d’une usine de clinker en Guinée, la crise ne fera qu’empirer. Même si la production reprend, il faudra rattraper les retards accumulés, tout en répondant aux nouveaux chantiers à venir. »
Il rappelle avoir, dès 2018, anticipé ce scénario en proposant la création de Syli Ciment, malgré l’opposition d’autres industriels. « Si notre usine n’existait pas aujourd’hui, la situation serait catastrophique. »La Guinée possède pourtant un atout de taille : des réserves en calcaire de qualité à Mali, Tougué et Siguiri.
De quoi envisager la production locale de clinker et réduire la dépendance extérieure. « Le clinker est plus stratégique que la bauxite. L’homme le plus riche d’Afrique a bâti sa fortune sur le ciment. Pourquoi pas nous ? », lance-t-il.
Pour M. Sow, les recettes attendues du projet Simandou doivent servir à transformer le pays : « De Conakry à Kankan, il nous faut des autoroutes de 40 mètres, comme ailleurs. Nos infrastructures datent de la colonisation. Il faut tout reconstruire. »
La crise actuelle du ciment en Guinée est le symptôme d’un problème structurel que les autorités ne peuvent plus ignorer. Entre dépendance au clinker importé, manque de vision industrielle et absence de coordination, le pays risque d’entrer dans une ère de rareté prolongée… sauf si des décisions courageuses sont prises maintenant. Car, comme le souligne Elhadj Mamadou Bailo Sow : « L’Afrique construit. La Guinée, elle, n’a pas encore commencé. »
Ahmadou Djogo pour www.Gbaikandjamana.org