À Faranah, dans le centre de la Guinée, certains diplômés ne croisent pas les bras en attendant un hypothétique emploi de bureau.
C’est le cas de Mourssidou Diallo, jeune diplômé en agroforesterie de l’Institut Supérieur Agronomique et Vétérinaire de Faranah (ISAV), qui a choisi de vivre de sa passion pour la cordonnerie, un métier qu’il a appris bien avant l’université.

« Je suis natif de Mamou, mais je suis né à Guéckédou. C’est là-bas que j’ai fait mes études primaires et secondaires. Après avoir décroché le BEPC, j’ai fréquenté le lycée JB TITO en 2013. Faute de moyens, j’ai été obligé d’abandonner les études. J’ai repris en 2017, et j’ai eu le baccalauréat en 2019. C’est ainsi que j’ai été orienté à l’ISAV de Faranah, au département agroforesterie. »

Mais son histoire avec la cordonnerie ne date pas de l’université. « J’ai commencé ce métier au lycée, mais c’est au collège, vers 2015, que j’ai commencé à réparer des chaussures. Un jour, je me suis dit : pourquoi ne pas fabriquer mes propres modèles au lieu de toujours réparer ceux des autres ? »

Avec cette motivation, il s’engage dans un apprentissage rigoureux de cinq ans. « J’ai été formé par un maître qui, à la fin, m’a béni et m’a libéré pour que je puisse voler de mes propres ailes. Dès mon arrivée à Faranah, j’ai trouvé un endroit où j’ai installé mon petit atelier. Je suivais les cours la journée et je travaillais après. Grâce aux horaires souples de l’institut, j’ai pu gérer les deux à la fois. »

Confronté aux réalités difficiles de la vie estudiantine, il décide d’agrandir son activité pour pouvoir subvenir à ses besoins et aider d’autres jeunes. « En deuxième année, j’ai vu comment mes camarades souffraient. J’ai ouvert mon atelier et j’ai accepté certains étudiants. Aujourd’hui, ils gagnent leur pain grâce à ce travail. »

Même après l’obtention de son diplôme, Mourssidou choisit de rester à Faranah pour exercer son métier. « Il y a des cordonniers ici, mais peu sont réellement formés. Moi, je veux faire les choses différemment. Former d’autres personnes, élever le niveau du métier. »
Mais les défis sont là. « Le plus gros problème, c’est le manque de matières premières. Je dois les faire venir de Labé. Quand il n’y a pas de véhicule, je peux attendre une semaine entière pour être livré. »

Malgré tout, il reste reconnaissant pour ce que la cordonnerie lui a apporté. « Grâce à ce travail, j’ai pu poursuivre mes études, me marier, fonder une famille. J’ai adopté des enfants, je m’occupe de mes petits frères, j’ai acheté une moto. Mes parents sont au village, c’est moi qui m’occupe de tout. Je suis leur espoir. »
Et il ne compte pas s’arrêter là. « Ma porte est ouverte à toute personne qui veut apprendre. Je transmettrai mon savoir comme mon maître l’a fait avec moi : sans condition, avec respect. »

Enfin, il lance un appel. « Je demande le soutien des personnes de bonne volonté, des autorités, des ONG, pour m’aider à avoir un financement. Cela me permettrait de mieux ravitailler Faranah en chaussures de qualité. J’ai déjà des clients à Kissidougou, Boké, Conakry… Même ici à Faranah, des commerçants viennent acheter en gros pour revendre. »
Mourssidou fabrique toutes sortes de chaussures, des modèles pour nouveau-nés jusqu’aux adultes, avec des pointures à partir de 37. Les prix varient selon le modèle et la taille.

Apprenti.
À travers lui, c’est une jeunesse consciente, engagée et ambitieuse qui s’exprime, celle qui croit que l’avenir se construit avec les mains autant qu’avec les diplômes.
Entretien réalisé par Alpha amadou BARRY le chef de bureau gbaikandjamana média basé dans le sankaran
Tel : 623 47 83 39