Lors de la Foire du commerce intra-africain en Algérie, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo a livré un message qui résonne comme un avertissement : tant que l’Afrique continuera de s’appuyer sur le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, elle restera prisonnière d’une dépendance structurelle qui limite son autonomie économique.« La Banque mondiale n’est pas faite pour nous, le FMI non plus. Une fois que nous aurons compris cela, nous saurons comment leur faire face », a-t-il affirmé.

Une critique récurrente mais toujours actuelleDepuis plusieurs décennies, les institutions de Bretton Woods sont accusées d’imposer aux pays africains des programmes d’ajustement structurel qui, au lieu de stimuler la croissance, ont fragilisé les économies locales. Réductions budgétaires, privatisations massives, ouverture forcée des marchés : autant de mesures qui ont souvent affaibli les services publics, creusé les inégalités et bridé le développement industriel.Le constat d’Obasanjo ne surprend donc pas, mais il prend une résonance particulière dans un contexte où la dette publique africaine atteint des niveaux critiques et où la dépendance aux financements extérieurs s’accentue.Miser sur l’intégration africainePour l’ancien président nigérian, la véritable alternative réside dans le commerce intra-africain et la coopération régionale. La mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) constitue une opportunité stratégique : elle vise à créer un marché commun de plus d’un milliard de consommateurs, capable de renforcer la compétitivité et de réduire la dépendance aux marchés extérieurs.Mais Obasanjo va plus loin : il plaide pour des règlements commerciaux en monnaies locales. Une telle mesure permettrait non seulement d’atténuer la pression sur les devises africaines, mais aussi de limiter l’hégémonie du dollar américain, devenu un instrument de fragilité pour les économies du continent.Une question de souveraineté économiqueAu-delà de la critique du FMI et de la Banque mondiale, le discours d’Obasanjo interroge la capacité de l’Afrique à inventer ses propres solutions. Sans institutions financières régionales fortes ni volonté politique ferme, l’idée d’une indépendance économique pourrait rester un slogan creux.Son appel souligne donc un dilemme majeur : soit l’Afrique continue de suivre des modèles imposés de l’extérieur, soit elle construit ses propres mécanismes de financement et de coopération. Dans ce dernier cas, la ZLECAf, les banques régionales de développement et les initiatives de paiements en monnaies locales apparaissent comme des leviers essentiels.Une vision qui diviseToutefois, les propos d’Obasanjo ne font pas l’unanimité. Certains économistes estiment que, malgré leurs limites, le FMI et la Banque mondiale demeurent des acteurs incontournables, notamment pour les pays en crise de liquidité. Pour eux, la question n’est pas de rompre, mais de renégocier la relation avec ces institutions, afin d’obtenir des conditions plus adaptées.En résumé, le message d’Obasanjo dépasse la simple critique : il s’agit d’un appel à la souveraineté économique. Reste à savoir si les dirigeants africains auront la volonté et la capacité d’engager ce tournant historique.