Le 3 avril 2025, à Gbessia, un jeune Guinéen de 19 ans, Mohamed Lamine Sow, a mis fin à ses jours. Avant de commettre l’irréparable, il a laissé une lettre à sa mère, un dernier souffle d’amour et de douleur. Il y demandait pardon, confiait son impuissance à « être le fils tant désiré » et écrivait, avec une sincérité déchirante : « Je me suis tant efforcé à changer, mais je n’y arrive pas. »
Ce drame n’est pas un simple fait divers. C’est le reflet d’un mal plus profond, plus sournois, qui ronge notre société : le poids des attentes parentales, l’absence d’écoute, et la confusion entre amour et contrôle.
À travers mon manuscrit en cours, Enfants de rêve, je tente de décrypter cette tension dramatique entre les rêves que les parents projettent sur leurs enfants et la quête d’identité de ces derniers. Mohamed Lamine n’est pas un cas isolé. Il est la voix étouffée de nombreux jeunes qui peinent à exister autrement qu’à travers le prisme des ambitions parentales.
Un enfant n’est pas un projet de réussite. Ce n’est ni une revanche sociale, ni une extension de nos propres frustrations. C’est un être unique, porteur de désirs, d’intuitions, parfois éloignés de nos plans. L’aimer, c’est le laisser être. C’est accepter qu’il échoue, qu’il doute, qu’il choisisse un autre chemin que celui qu’on avait tracé pour lui.
Dans Aimez vos enfants tels qu’ils sont, Lene Kepler rappelle que l’amour véritable ne se mesure ni aux bulletins scolaires ni aux carrières exemplaires. Il se vit dans la patience, dans l’écoute, dans le respect de la différence. Il dit : « Je t’aime, pas pour ce que tu fais, mais pour ce que tu es. »
L’histoire de Mohamed Lamine nous oblige à un sursaut collectif.
Parents, enseignants, éducateurs : cessons de faire peser nos rêves sur des épaules qui n’en peuvent plus. Apprenons à accompagner plutôt qu’à imposer. À écouter plutôt qu’à juger. À dire : « Tu es assez, même avec tes failles. »
Car derrière chaque sourire forcé, chaque silence prolongé, il y a peut-être un enfant en souffrance, en train de sombrer.
Et parfois, ce silence devient une tombe.
Par Christophe Bourlaye YARADOUNO, Psychoéducateur – Auteur du Manuscrit « Enfants de rêve : Entre héritage, aspirations et liberté »