À Kouroussa, être journaliste, c’est accepter d’exister dans l’ombre. C’est exercer un métier essentiel sans la moindre reconnaissance.

C’est donner de la visibilité aux autres sans jamais être pris en compte. Alors que le journalisme est un pilier du développement, ceux qui le pratiquent sont relégués au dernier rang, ignorés, méprisés, et parfois même rabaissés.Ici, le journaliste n’est pas vu comme un acteur du progrès, mais comme un simple figurant.
Les autorités locales ne le consultent que lorsque cela les arrange, et la population elle-même ne perçoit pas toujours l’importance de son travail. Lors des événements officiels, il est le dernier informé, mal accueilli, et souvent mis à l’écart. On l’invite parfois par obligation, mais rarement par respect pour sa mission. Quand il sollicite des interviews, on lui accorde quelques minutes à la va-vite, sans lui laisser le temps d’aller au fond des choses.
Pourtant, ces mêmes événements qu’il couvre contribuent à valoriser ceux qui aujourd’hui l’ignorent.Pire encore, alors que les autres acteurs de la société bénéficient de facilités pour accomplir leurs missions – moyens de transport, indemnités, reconnaissance officielle –, le journaliste, lui, est souvent contraint d’agir seul, sans soutien, et parfois même à ses propres frais.À Kouroussa, l’information n’est pas perçue comme un droit collectif, mais comme un privilège réservé à quelques-uns.
Ceux qui tentent de la rendre accessible sont considérés comme dérangeants.Lorsque le journaliste cherche à obtenir des chiffres sur la gestion d’un service public, on lui répond avec condescendance : « Ce n’est pas important » ou « Revenez plus tard ».
S’il insiste, il devient suspect, accusé de vouloir semer la polémique. Et s’il ose critiquer une mauvaise gestion ou un abus, il est vite catalogué comme un ennemi à abattre.
Ce manque de considération ne vient pas seulement des autorités. Certains citoyens, influencés par cette marginalisation du journalisme, finissent par adopter la même attitude. Ils perçoivent le journaliste comme un opportuniste qui ne travaille que pour son propre intérêt.
Pourtant, sans lui, combien de réalités de Kouroussa resteraient invisibles ?
Certains vont même jusqu’à penser que le journaliste travaille par simple passion et qu’il n’a pas besoin de moyens pour exercer son métier. Pourtant, comme tout professionnel, il a des besoins matériels et financiers pour produire un travail de qualité.
Mais plutôt que de recevoir le respect et les ressources nécessaires, il est perçu comme un « demandeur », un « mendiant » qui quémande un droit qui devrait être une évidence.Il est temps que cette situation change.
Le journaliste n’est ni un mendiant ni un intrus. Les autorités doivent cesser de voir le journaliste comme un élément de décor, mais plutôt comme un acteur qui joue un rôle clé dans l’évolution de la préfecture.
Kouroussa ne peut se construire dans l’ignorance et le mépris de ceux qui relaient ses réalités. Valoriser le journalisme, c’est valoriser la vérité, la transparence et le progrès.
Il est temps d’accorder aux journalistes la place qu’ils méritent.
Mohamed Camara
Homme du terrain