I. SUR L’EXPOSÉ DES FAITS
Lors de la session 2025 du baccalauréat unique, l’élève Souleymane Bah s’est présenté en tant que candidat.
À l’issue de la correction, les résultats officiels ont été rendus publics. Le candidat Bah aurait été déclaré non-admis.
Ne se reconnaissant pas dans ce résultat, il déclarait avoir été lésé par le processus d’évaluation. Toutefois, au lieu de suivre les voies procédurales prévues par les textes pour la réclamation des résultats, il a opté pour une démarche médiatique.
En effet, il s’est confié à un média en ligne (guineematin.com) pour exiger l’exhibition de ses copies, notamment afin de « se convaincre » des raisons de son échec.
En réponse à cette sortie médiatique, la Direction Générale des Examens et Contrôles Scolaires (DGECS) a, par le biais des mêmes réseaux sociaux, publié l’intégralité des copies du candidat dont s’agit, incluant celles où figuraient les signatures et numéros de téléphone des correcteurs.
II.SUR LA QUALIFICATION DES COMPORTEMENTS
- Sur le comportement du candidat Souleymane Bah
Les agissements du revendicant peuvent être qualifiés d’émotionnels et juridiquement inappropriés, bien qu’exprimant un droit légitime au recours.
Il est légitime, dans un État de droit, pour tout citoyen de contester une décision administrative qui lui est défavorable.
Toutefois, l’usage des canaux médiatiques pour porter une réclamation, en lieu et place des voies contentieuses ou administratives prévues par les textes réglementaires, constitue une forme de dérive procédurale, voire une instrumentalisation de l’opinion publique, ce qui fragilise la légitimité de sa démarche.
- Sur le comportement de la DGECS
Quant à la DGECS, son attitude peut être interprétée comme disproportionnée et juridiquement critiquable. En publiant sur les réseaux sociaux les copies d’un élève contenant des données à caractère personnel (signatures, numéros de téléphone des correcteurs), elle a violé le principe de protection des données personnelles, tel que garanti par les législations en vigueur (notamment la loi guinéenne sur la protection des données à caractère personnel).
L’administration aurait pu répondre de manière institutionnelle et encadrée, par exemple en adressant une communication officielle précisant les voies de recours et en invitant le candidat à les emprunter.
Publier des documents pédagogiques sans anonymisation, est contraire aux principes de confidentialité et de proportionnalité qui s’imposent aux autorités publiques.
Cette situation met en exergue un double déficit : un déficit de culture procédurale chez les citoyens, et un déficit de maîtrise éthique et juridique de la communication publique chez certaines institutions administratives.
D’une part, Souleymane Bah, bien qu’animé d’un sentiment d’injustice, n’a pas respecté les canaux de recours hiérarchiques ou juridictionnels, ce qui affaiblit la recevabilité et la portée de ses griefs. Il est essentiel que les élèves, futurs citoyens actifs, soient mieux formés au civisme administratif, notamment en matière de recours et de respect des procédures.
D’autre part, la DGECS, en réagissant de manière brutale par une publication publique, a compromis la confidentialité des données.
Dans une société numérique, les autorités publiques doivent intégrer la culture de la protection des données personnelles et adopter une communication institutionnelle mesurée.
Cette réaction, bien que justifiée par le souci de transparence, a outrepassé les limites imposées par les obligations de respect des droits fondamentaux (vie privée, réputation, protection des données).
Pour finir, cette affaire invite à repenser les relations entre Administration et usagers dans un contexte de gouvernance numérique. Il conviendrait d’instituer une procédure transparente de consultation des copies après proclamation des résultats, tout en assurant l’anonymisation des mentions sensibles, afin de concilier transparence administrative et protection des droits individuels.

Moussa KANDÉ, Juriste et Philosophe, Enseignant-chercheur, consultant juridique.