Par Fodé Keïta, Coordinateur Sous-préfectoral de la Société Civile MAOG (Maison des Associations et ONG de Guinée) à Doko

Siguiri, jadis terre d’or et d’espoir, est devenue le théâtre d’une tragédie silencieuse, à la fois environnementale et humaine. Sous le regard complice ou impuissant des autorités locales et nationales, une exploitation minière anarchique, menée principalement par des expatriés étrangers, ravage méthodiquement nos ressources et compromet durablement l’avenir de toute une région.
Des cours d’eau asphyxiés, des vies en danger.

Les rivières et les ruisseaux, véritables artères vitales de notre écosystème, sont déviés, pollués ou asséchés. L’utilisation effrénée des pelles mécaniques (poclin) et de produits chimiques toxiques comme le cyanure et le mercure transforme des écosystèmes aquatiques florissants en déserts morts.
Cette destruction a des conséquences directes et dramatiques sur la population locale : l’accès à l’eau potable devient un luxe, obligeant les habitants à consommer une eau contaminée, vectrice de maladies hydriques graves. La pêche, pilier de l’économie de nombreux villages, disparaît, précipitant des familles entières dans la précarité. Nos terres agricoles, privées d’eau ou polluées, deviennent infertiles, aggravant l’insécurité alimentaire.
Un patrimoine naturel sacrifié.

Au-delà de l’eau, c’est toute la nature qui est saccagée. La déforestation massive, pour implanter des sites miniers, entraîne l’érosion accélérée des sols, des glissements de terrain et la perte irréversible d’espèces animales et végétales endémiques. Nos paysages emblématiques sont défigurés, remplacés par des cratères béants et des montagnes de déchets stériles.
Les conséquences sont également climatiques : la destruction des forêts réduit la capacité de la région à absorber le carbone, contribue au réchauffement et perturbe des régimes de pluie déjà fragiles.
Un silence complice et révoltant
Le plus insupportable dans ce drame est l’impunité dont bénéficient ces exploitants étrangers et leurs complices locaux. Sous les yeux des autorités, ils bafouent allègrement les lois et les normes environnementales. Les rares permis d’exploitation sont ignorés, et les mécanismes de contrôle et de sanction sont inexistants ou volontairement inopérants.
Pendant que quelques individus s’enrichissent, ce sont des communautés entières qui en paient le prix. L’absence de redevances équitables et de projets de développement en compensation de cette destruction ne fait qu’aggraver le sentiment d’injustice.
Il est encore temps d’agir
Sauver Siguiri est encore possible. Mais cela exige courage et volonté politique. Nous, société civile, appelons les autorités à prendre la pleine mesure de la catastrophe et à agir avec fermeté et détermination.
Nos recommandations prioritaires :
Appliquer rigoureusement les lois minières et environnementales, en sanctionnant sévèrement tous les contrevenants, nationaux ou étrangers.
Réaliser des audits environnementaux indépendants pour mesurer les dégâts et obliger les entreprises à réparer.
Promouvoir une exploitation minière responsable, respectueuse de l’environnement et des communautés, avec des garanties de réhabilitation des sites.
Développer des alternatives économiques durables (agriculture, élevage, artisanat) pour réduire la dépendance à la mine et donner des perspectives aux jeunes.
Associer les communautés locales aux décisions sur l’exploitation de leurs ressources et veiller à ce que les bénéfices profitent à tous.
Choisir la vie, pas la mort
La destruction de l’environnement à Siguiri n’est pas une fatalité. Elle résulte d’une inaction coupable et d’une gestion défaillante. Nous devons choisir : continuer à sacrifier notre patrimoine pour des gains éphémères, ou préserver nos ressources et bâtir un développement durable et équitable.
L’or de Siguiri ne doit plus être synonyme de mort, mais de prospérité partagée.

Fodé Keïta
Coordinateur Sous-préfectoral
Société Civile MAOG (Maison des Associations et ONG de Guinée) – Doko