Dans le district de Kamara, à 15 kilomètres de la commune urbaine de Faranah, l’installation d’une société chinoise pour la construction de voies ferrées, autrefois accueillie avec espoir, fait aujourd’hui l’objet d’une vive contestation.

Ce projet, qui devait impulser un développement économique et social, est désormais perçu comme une menace directe pour l’environnement, la santé et la dignité des populations locales.

Entre promesses non tenues et souffrances quotidiennes.

Lors d’une récente visite à Kamara, à l’occasion de la fête de Tabaski, Sayon Oularé, porte-parole des ressortissants de la localité à Conakry, a été choqué par l’ampleur des dégâts.

« Le paysage a été complètement bouleversé. Les forêts détruites, les points d’eau souillés, l’environnement est dans un état déplorable. Aujourd’hui, dans ma propre famille, cinq enfants sont malades à cause de la pollution de l’eau », a-t-il témoigné, appelant à une intervention urgente de l’État et des ONG.

De son côté, Mamady Keita, alias « Vieux », président de la jeunesse de Kamara, dénonce un profond mépris de la société envers la communauté.

« Ils avaient promis des infrastructures : école, forage, dispensaire… Aujourd’hui, seules six salles de classe sont en chantier, et les travaux stagnent. Pire, nous avons perdu 75 têtes de bœufs empoisonnées à cause de la pollution de notre source d’eau, le marigot Friko. Avant, c’était notre ressource principale. Aujourd’hui, les maladies liées à l’eau impropre se multiplient. »

Selon lui, la situation est aggravée par des pratiques irresponsables de la société.

« Des fosses septiques ont été creusées en dehors de leurs clôtures. Les tuyaux déversent les eaux usées directement dans le marigot. Les autorités locales sont venues constater les faits, mais rien n’a changé. »

Exclusion, marginalisation et colère

Les frustrations ne s’arrêtent pas à la dégradation de l’environnement. Le sentiment d’abandon est partagé.

« Lors des recrutements, on nous avait promis que 70 % des emplois iraient aux fils de Kamara. Finalement, seuls deux jeunes ont été embauchés, et ils ont été remplacés par des Libériens et des Sierra-Léonais », s’indigne encore Mamady Keita. « Nous sommes devenus des étrangers chez nous. »

Les femmes, elles aussi, tirent la sonnette d’alarme.

« Les puits sont pollués ou asséchés. Nous devons marcher des kilomètres pour avoir de l’eau potable. C’est un calvaire », témoigne Saran Kandé, présidente des femmes de Kamara, qui appelle à l’aide des autorités sanitaires et humanitaires.

Quant à Sékouba Oularé, ancien médiateur entre la société chinoise et la population, il confesse son impuissance :

« Je n’ai plus de voix au chapitre. La société ne m’écoute plus. Et maintenant, la communauté me voit comme un traître. Je suis coincé entre deux mondes. »

Un appel pressant à l’État guinéen.

Les habitants de Kamara demandent aujourd’hui une révision urgente du contrat liant la société chinoise à l’État, le respect strict des engagements pris, ainsi que la réparation des préjudices subis.

Ils exhortent les autorités à agir, non pas comme de simples spectateurs, mais comme garants des droits fondamentaux des citoyens.

Le cas de Kamara n’est pas un simple incident local : c’est un signal fort, un avertissement contre un modèle de développement qui oublie l’humain et sacrifie l’environnement. Si la Guinée veut construire des rails vers l’avenir, elle ne peut le faire sur les ruines de ses villages.

À Kamara, les voix se lèvent, la souffrance est réelle, et l’indignation grandit. L’État est désormais face à ses responsabilités.

Alpha Amadou BARRY
Chef de bureau Gbaikandjamana Média basé dans le Sankaran
📞 +224 623 47 83 39

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