À quoi sert une éducation qui déconnecte un peuple de lui-même ? À quoi sert une école qui enseigne à renier ses racines et à imiter sans jamais créer ?
En Afrique, et particulièrement en Guinée, l’heure n’est plus aux constats polis : notre système éducatif est un échec. Un échec profond, structuré, entretenu. Un échec qui, plutôt que de libérer les esprits, les enferme dans une camisole invisible.Nos écoles forment des copies, pas des créateurs. Elles produisent des diplômés déphasés, inaptes à comprendre leur propre société, incapables de la transformer. Ce n’est pas un accident.
C’est le résultat d’un modèle hérité de la colonisation, pensé pour contrôler, non pour émanciper. Et ce modèle, au lieu d’être remis en question, a été soigneusement entretenu par nos propres dirigeants.Ils n’ont pas inventé cet ordre des choses, non. Mais ils l’ont validé. Ils l’ont nourri. Et en cédant à la facilité de reproduire ce qui existait, ils ont laissé s’installer une fracture toujours plus profonde entre nos élites et nos peuples, entre notre histoire et notre avenir.
Notre système éducatif est resté suspendu au XIXᵉ siècle français, comme si Jules Ferry dictait encore les programmes dans nos classes. Comment, dans ces conditions, rêver d’une Afrique debout, libre, souveraine ?Il est temps d’ouvrir les yeux : tant que nous continuerons à quémander nos réformes à l’Occident, à modeler notre jeunesse selon des schémas étrangers, nous resterons des figurants sur notre propre scène.
Tant que nos écoles enseigneront l’admiration passive plutôt que la création audacieuse, notre futur nous échappera.Nous devons choisir : refonder ou disparaître. Refonder, cela signifie reprendre nos humanités classiques, puiser dans les trésors de nos traditions intellectuelles, redécouvrir les savoirs africains qui ont fait rayonner nos civilisations bien avant que l’Europe ne sorte de l’obscurité.
Regardons la Chine. Elle n’a pas renié ses valeurs. Elle les a adaptées, dynamisées, modernisées sans jamais oublier qui elle était. Et elle s’est imposée au monde.L’Afrique peut le faire. L’Afrique doit le faire.Le choix est simple, presque brutal : continuer à produire des zombis culturels, étrangers à eux-mêmes, ou former des bâtisseurs, fiers de leurs racines et prêts à affronter l’avenir.
Nous avons tout à gagner à réinventer notre école. Et tout à perdre à l’ignorer encore.Le moment est venu. Il n’attendra pas.
Abdoulaye CONDÉ, Politologue